Colloque « Aux marges de la procréation médicalement assistée : nouvelles populations, techniques & normes »

Responsables : Vincent Couture (Université Laval) et Anaïs Martin (Université du Québec en Outaouais)

Le colloque se déroulera durant le 91e Congrès de l'Acfas le 14 mai 2024 de 9h00 - 16h15.

Depuis quelques décennies, les techniques de procréation médicalement assistée (PMA) suscitent un intérêt soutenu de la part de chercheurs et de chercheuses d’horizons variés. Entre procédures médicales toujours plus poussées et nouvelles pratiques sociales, la PMA continue d’élargir le champ des possibles pour les personnes infertiles et celles dont la configuration familiale ou personnelle sort du modèle hétéronormatif. Face à cette créativité biosociale, de nouveaux acteurs et actrices se regroupent autour de projets familiaux qui (re)combinent du personnel soignant, des spécialistes de laboratoire, de futurs parents, des tiers de procréation et des membres d’organismes de soutien psychosocial. Parallèlement, la diffusion des techniques de PMA a entraîné une déterritorialisation des pratiques suivant les lignes de fractures d’un encadrement légal hétérogène et de marchés transnationaux de cellules et de services. Dans ce contexte, nous voyons apparaître un ensemble de pratiques hétérogènes aux marges de la PMA qui appelle à son tour à intégrer la pensée sociale sur la PMA. Ce colloque proposera une réflexion sur ces marges et les nouveaux enjeux qu’elles font émerger.

Colloque accessible sur place et en ligne - Inscription obligatoire

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Présentations des membres de la Chaire au colloque

  • Entre cliniques de fertilité et réseaux sociaux : quelle marge de manœuvre pour les femmes lesbiennes, bisexuelles ou pansexuelles et les personnes queer, trans ou non-binaires ?

    Claudia Fournier (Université du Québec en Outaouais – UQO), Emma Boulet-Giroux (UQO), Isabel Côté (UQO), Anna Aslett (Université Laval)

    Pour fonder une famille, la plupart des femmes lesbiennes, bisexuelles, ou pansexuelles (LBP) ainsi que des personnes queer, trans ou non-binaires (QTNB) ont besoin de matériel génétique extérieur à leur couple. Alors que plusieurs d’entre elles suivent la voie de la procréation médicalement assistée (PMA), elles sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers les réseaux socio-numériques pour chercher un don de sperme, et réaliser une insémination en-dehors du réseau médical. L’émergence de cette pratique met en lumière les enjeux d’accessibilité auxquels sont confrontées les femmes LBP et les personnes QTNB pour devenir parents. Elle soulève également des questions sur les normes et les limites des pratiques médicales traditionnelles, ainsi que sur le rôle et les risques des réseaux socio-numériques dans la redéfinition des modes de procréation. Cette présentation expose l’expérience de 15 personnes et couples de femmes LBP et personnes QTNB ayant eu recours à la PMA, à la recherche de don de sperme en ligne, ou aux deux, et qui ont livré leurs témoignages dans le cadre d’une étude qualitative menée dans plusieurs régions du Québec. Les implications de ces deux pratiques sont également discutées en termes d’accessibilité, de fiabilité et de sécurité pour les femmes LBP et les personnes QTNB. Enfin, des pistes de réflexion sont proposées pour une meilleure prise en compte de leurs besoins spécifiques dans les politiques et pratiques de santé reproductive.

  • « On est sans doute plusieurs centaines à avoir été conçus avec le même donneur » - Une étude qualitative sur la surutilisation du don de sperme

    Sabrina Zeghiche (Université du Québec en Outaouais – UQO), Marie-Rose Lépine (UQO)Contexte : La découverte de personnes issues du même donneur a fait l’objet de plusieurs études ces dernières années. Or, on sait peu de choses sur la façon dont le nombre de personnes issues du même donneur façonne cette expérience.
    Objectif de recherche : Examiner les répercussions personnelles et relationnelles de la surutilisation des donneurs de sperme sur les personnes conçues par don.

    Méthodologie : Une étude exploratoire qualitative a été menée en 2021-2022. Des entrevues en profondeur ont été réalisées auprès de 22 personnes (16 femmes, 7 hommes et une personne non-binaire).Résultats : La découverte d’un nombre important de personnes issues du même donneur a provoqué des sentiments de choc et de surprise, combinés à de la curiosité. Bien que les liens tissés avec ces personnes soient généralement décrits comme enrichissants, leur nombre est perçu comme une atteinte à leur singularité et à leur individualité. En outre, la taille du groupe est souvent perçue soit comme une entrave à la formation de liens significatifs avec les membres de la « fratrie », soit comme un fardeau. Enfin, leur nombre peut également entraver leur relation avec le donneur. Pour certains, le fait que le donneur ait donné son sperme à une si grande échelle remet en question son intégrité et ses motivations et agit comme repoussoir. Pour d’autres, le fait qu’ils soient si nombreux à se disputer son attention minimise leurs chances d’établir un contact avec lui.

  • Des « relations mystérieuses » : qualifier les contacts entre les donneurs et donneuses de gamètes et les personnes issues de leur don

    Anaïs Martin (Université du Québec en Outaouais – UQO), Isabel Côté (UQO)

    Larry a donné anonymement son sperme dans les années 1970 aux États-Unis. Quarante ans plus tard, une lettre lui apprend qu’une personne issue de son don cherche à le contacter. Se noue alors un lien qui reste difficile à définir aujourd’hui : « Le seul mot qui me vient, c’est ‘mystérieux’. Ce n’est pas définissable dans la langue que je connais. »
    A travers le monde, d’autres donneurs et donneuses de gamètes font des expériences semblables : depuis le début des années 2000, un certain nombre de personnes conçues par don ont entrepris d’identifier leur géniteur ou génitrice. Si les études empiriques donnent un aperçu du vécu des personnes conçues par don, on en sait encore peu sur la manière dont les donneurs et donneuses vivent ces contacts. Comment considèrent-iels les relations qui peuvent en découler ?
    Cette intervention présente les résultats d’une étude exploratoire qualitative menée auprès de 13 hommes et 12 femmes ayant donné des gamètes aux États-Unis, en Australie et au Canada entre les années 1970 et 2010, et ayant été contactés par une personne issue de leur don. Elle décrit les diverses réactions que ces prises de contact ont suscité de la part de leurs destinataires, entre surprise, curiosité ou encore prudence, illustrant autant d’enjeux liés à l’organisation du don de gamètes. La nature des relations entre donneurs ou donneuses et personnes issues de leur don sera ensuite interrogée à partir des normes et qualificatifs que les participant·es y associent.

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